La prise en compte des salariés mis à disposition dans les effectifs en vue d'une élection
Auteur : BOULAN Guillaume
Publié le :
28/10/2010
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La loi du 20 août 2008 a profondément modifié le paysage des relations sociales dans l’entreprise en faisant des résultats de l’élection un véritable censeur de la participation de chaque syndicat à la vie de l’entreprise.
Elections au sein de l'entreprise
La loi n°2008-79 du 20 août 2008 a profondément modifié le paysage des relations sociales dans l’entreprise en faisant des résultats de l’élection un véritable censeur de la participation de chaque syndicat à la vie de l’entreprise. Ne sont en effet admis à désigner un délégué qui les représentera au sein de l’entreprise, que les syndicats ayant obtenu un taux d’audience d’au moins 10 % lors de l’élection des institutions représentatives du personnel.
Parallèlement, le paysage économique a beaucoup évolué par le développement du recours à la sous-traitance et à l’externalisation de sorte que l’entreprise se trouve aujourd’hui souvent constituée d’une multitude d’entités économiques indépendantes, d’univers variés, travaillant les unes avec les autres ou les unes à coté des autres à une réalisation commune, avec des intérêts communs et souvent dans des conditions de travail communes.
Dans le silence de la loi, les juges avaient déjà identifié la nécessité de sortir du cadre strict de la « société » pour d’aborder la représentation du personnel en l’envisageant au niveau de cet ensemble et en faisant participer aux élections les salariés mis à disposition par les entreprises prestataires lorsqu’ils étaient intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail. La loi du 20 août 2008 dite de « démocratie sociale » a consacré cette évolution en modifiant les termes de l’article L. 1111-2 du Code du travail.
Et la prise en compte des salariés mis à disposition dans l’effectif de l’entreprise est ainsi devenu un enjeu important puisque les éléments relatifs à l’effectif et à son calcul devront être fournis aux syndicats lors de la négociation du protocole préélectoral, ceux-ci pouvant avoir intérêt à inclure ou exclure certains salariés de la liste des électeurs en fonction des forces en présence dans les entreprises prestataires concernées. Rappelons en outre que les salariés mis à disposition répondant à cette définition seront pris en compte dans le calcul du budget du comité d’entreprise.
Il est donc essentiel aujourd’hui à l’entreprise, dans le processus électoral, de bien maîtriser la portée de ces règles nouvelles de façon à n’inclure dans l’effectif que les salariés mis à disposition qui répondent effectivement à la définition donnée par la loi et pour être en mesure d’argumenter contre d’éventuelles recours des confédérations syndicales.
1. Entreprises prestataires et salariés concernés :
Aux termes de la l’article L. 1111-2 du Code du travail, les salariés mis à disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure, qui sont présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice et y travaillent depuis un an ainsi que les salariés temporaires sont pris en compte dans l’effectif à due proportion de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Les salariés concernés qui en font le choix peuvent être électeurs sur l’élection des délégués du personnel et sur l’élection du comité d’entreprise et éligibles à l’élection des délégués du personnel si, dans ce dernier cas, ils sont présents dans les locaux depuis au moins vingt quatre mois (Articles L. 2324-17-1 et L. 2314-18-1 du Code du travail)
La loi n’a toutefois pas défini ce qu’il fallait entendre par les termes « présents dans les locaux » et par les termes « et y travaillent depuis un an » et ce texte devra être lu à la lumière de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Deux décisions de la Cour de Cassation sont intéressantes pour cerner le champ des salariés concernés :
- Une décision du 13 novembre 2008 (Cass. Soc. 13 novembre 2008 affaire n° 07-60.434), rendue sur des faits antérieurs à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 qui a modifié l’article L. 1111-2 du Code du travail vers sa rédaction actuelle. A cette occasion, la Cour, qui rendait son arrêt postérieurement à la loi, a donné une indication sur la direction qu’elle prendrait en reprenant les termes de la loi dans la définition de ce qu’elle considérait comme étant des salariés intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail, conformément à sa jurisprudence antérieure. Elle retenait ainsi que, devaient être pris en compte : « les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure qui, abstraction faite du lien de subordination qui subsiste avec leur employeur, sont présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice et y travaillent depuis une certaine durée, partageant ainsi les conditions de travail au moins en partie communes susceptibles de générer des intérêts communs. »
- Une décision rendue le 14 avril 2010 (Cass. Soc. 14 avril 2010 affaire n° 09-60367) rendue sous l’empire du texte nouveau et reprenant les termes de son arrêt du 13 novembre en considérant que, doivent être pris en compte, les salariés intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail, présents dans les locaux depuis au moins un an et partageant des conditions de travail en partie communes susceptibles de générer des intérêts communs.
Ne sont donc à prendre en compte que les salariés mis à disposition :
- qui sont présents dans la société utilisatrice depuis au moins un an (à la date du premier tour du scrutin),
- qui sont intégrés de façon étroite à la communauté de travail et qui donc partagent avec les salariés de l’entreprise utilisatrice des conditions de travail susceptibles de générer des intérêts communs.
Il doit être ajouté que, au regard de la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation mais qui devrait rester d’actualité (Cass. Soc. 12 juillet 2006 affaire n° 05-60384), sont concernés en qualité de salariés mis à disposition, les salariés qui participent au fonctionnement de l’entreprise utilisatrice et non ceux qui, hors de toute intégration à la communauté de travail, se sont vus céder la sous-traitance de l’exécution du marché même de la société utilisatrice.
Enfin, la loi ne fait aucune distinction selon la qualité de l’entreprise prestataire et sont donc concernés aussi les salariés mis à disposition par des entreprises ou des établissements publics.
2. Méthodologie à suivre pour déterminer l’effectif :
Les informations nécessaires pour connaitre la liste des salariés à prendre en compte doivent être obtenues auprès des sociétés prestataires identifiées comme étant concernées.
Réunir les informations relève de la responsabilité de l’entreprise utilisatrice qui doit les fournir aux syndicats. Il n’est pas possible de se contenter de demander les informations et de prétendre ensuite que la société prestataire n’a pas fourni les éléments. La Cour de cassation considère en effet (Cass. Soc. 26 mai 2010 : affaire n° 09-60400) « qu’il appartient à l’employeur responsable de l’organisation de l’élection de fournir aux organisations syndicales les éléments nécessaires au contrôle des effectifs et de l’électorat et que, s’agissant des salariés mis à disposition, il doit, sans se borner à interroger les entreprises extérieures, fournir aux organisations syndicales les éléments dont il dispose ou dont il peut demander judiciairement la production par ces entreprises. »
Il convient donc :
- d’interroger par écrit les entreprises concernées en leur demandant de fournir tous les éléments d’information nécessaire (liste des salariés concernés, adresses, poste occupé, qualification, durée de présence continue dans l’entreprise utilisatrice, durée mensuelle habituelle du travail, souhait de voter ne vue de l’élection, signature des salariés concernés),
- à défaut de réponse, de solliciter judiciairement ces informations (procédure de référé sous astreinte contre le prestataire),
- à défaut encore une fois de réponse, de voir si l’entreprise responsable de l’élection dispose elle même de ces informations, à prendre en compte alors et à fournir aux syndicats, quitte à interroger directement les salariés concernés qui pourrait être connus.
Ces obligations impliquent ainsi nécessairement que cette question soit bien anticipée par l’entreprise responsable de l’élection.
Cet article n'engage que son auteur.
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