Le mariage posthume
Auteur : BIZARD Marie-Cécile
Publié le :
01/09/2017
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Xavier JUGELE, policier disparu tragiquement le 20 avril 2017 lors d’un attentat sur les Champs Elysées, a été marié à titre posthume le 30 mai suivant à la mairie du 14ème arrondissement de Paris à son compagnon Etienne Cardilès avec lequel il avait contracté un PACS. Le chef de l’Etat et la maire de Paris étaient présents lors de la cérémonie dont les médias se sont largement fait l’écho, mettant ainsi sous le feu des projecteurs cette procédure particulière, rare et dérogatoire aux principes généraux du droit. L’article 146 du Code Civil est aussi clair que concis : « Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement.». Le consentement est une notion juridique majeure ; pour être valide, il doit être clairement exprimé et exempt de vice. Un défunt étant par définition incapable d’exprimer un quelconque consentement, un mariage posthume semblerait à priori impossible. Le législateur a néanmoins prévu à l’article 171 du Code Civil une procédure très spécifique pour permettre dans certains cas le mariage entre une personne vivante et une personne décédée. Les guerres sont à l’origine de ce concept : il s’agissait en effet de permettre à des femmes ayant perdu leurs compagnons au front d’obtenir le statut d’enfant légitime pour l’enfant qu’elles attendaient du défunt et de pouvoir bénéficier d'une pension. Le principe apparait dans le Code Civil dès 1803. Puis, le drame du barrage de Malpasset dont la rupture a entrainé en 1959 la mort de 423 personnes, a suscité un aménagement des textes, le mariage d’une des victimes étant prévu quinze jours après les faits. La rédaction de l’article 171 est devenue la suivante : « Le Président de la République peut, pour des motifs graves, autoriser la célébration du mariage si l'un des futurs époux est décédé après l'accomplissement de formalités officielles marquant sans équivoque son consentement.
Dans ce cas, les effets du mariage remontent à la date du jour précédant celui du décès de l'époux. Toutefois, ce mariage n'entraîne aucun droit de succession ab intestat au profit de l'époux survivant et aucun régime matrimonial n'est réputé avoir existé entre les époux. »
Le législateur, pour s’assurer du consentement du conjoint décédé, exigeait alors les justificatifs de la mise en œuvre de formalités officielles préalables à la cérémonie de mariage telles que la publication des bans ou, à défaut, un certificat prénuptial datant de moins de trois mois.
Les critères apparaissant trop rigides dès l’instant où d’autres éléments que les formalités officielles pouvaient permettre de s’assurer du consentement du conjoint décédé de son vivant, la loi a été assouplie en 2011. Le texte a été modifié uniquement en son alinéa 1 qui est désormais le suivant : « Le Président de la République peut, pour des motifs graves, autoriser la célébration du mariage en cas de décès de l'un des futurs époux, dès lors qu'une réunion suffisante de faits établit sans équivoque son consentement.»
C’est donc au Président de la République qu’il revient de décider, au vu du dossier, de la réalité du consentement du défunt à son mariage de son vivant. Si la procédure peut être longue, elle reste assez simple.
Le dossier comprendra :
- une demande motivée accompagnée des actes d’état-civil
- les justificatifs du consentement non équivoque du défunt, la preuve étant assez libre.
- les justificatifs d’une « cause grave »
- Le consentement des parents de chacun des futurs époux au mariage
Les éléments de preuve admissibles constituent un véritable inventaire à la Prévert : accomplissement de formalités officielles (publication des bans, retrait d’un dossier de mariage), rédaction d’un contrat de mariage, réservation d’une salle pour les festivités, commandes diverses (traiteur, photographe, etc…), achat d’un costume, d’une robe, d’alliances, attestation d’une réunion de préparation d’un mariage religieux (dont on rappellera qu’il ne peut avoir lieu que s’il est précédé d’une union civile), témoignages des parents, des familles, de l’entourage amical ou professionnel etc…
La « cause grave » quant à elle est constituée par la présence d’un ou plusieurs enfants communs, par la stabilité et l’ancienneté de la vie commune ou encore par la seule circonstances du décès (guerre ou attentat).
Les conséquences du mariage posthume sont un peu différentes de celles d’un mariage ordinaire puisque, si le conjoint veuf pourra se voir attribuer le nom de son conjoint et bénéficier le cas échéant des droits tels qu’une pension de réversion ou une assurance veuvage, il ne pourra par contre prétendre à aucun droit successoral.
Par ailleurs, et depuis la loi de 2004 sur le statut de l’enfant né hors mariage, désormais assimilé à l’enfant légitime quant à ses droits, l’argument de la légitimation de l’enfant à naitre a perdu de sa force.
L’avocat pourra jouer un rôle de conseil en appréciant les chances de succès d’une telle procédure et, le cas échéant, en participant à la constitution du dossier.
Le mariage posthume reste une curiosité juridique relativement confidentielle puisqu’il n’en est célébré qu’une cinquantaine en France chaque année ; on conçoit bien néanmoins la charge émotionnelle bien particulière d’une telle cérémonie, nécessairement consécutive à un drame humain. D’où la forte médiatisation du mariage posthume de Xavier JUGELE, qui, à titre posthume également, s’est vu attribuer le grade de Capitaine.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Christophe Fouquin - Fotolia.com
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